Rupture de la période d’essai : pas d’abus
Rupture de la période d’essai: pas d’abus
Contrat de travail
Épiés, jugés, mis sous pression… avec le risque, à la moindre erreur, de perdre un nouvel emploi souvent difficilement obtenu. Coté salariés, c’est généralement ainsi qu’est vécue la « période d’essai », une période essentiellement mise à profit par les employeurs pour apprécier leurs qualités professionnelles. Durant ce laps de temps, plus ou moins long, le contrat de travail peut être rompu sans que s’appliquent les règles « protectrices » du licenciement. Pour autant, les salariés ne sont pas totalement démunis. Exemple avec cet arrêt du 11 janvier dernier.
Les faits
Un salarié est engagé en qualité d’agent de sécurité par contrat à durée déterminée à temps partiel du 10 mars 2008 au 31 décembre 2008, avec une période d’essai
d’un mois. Par lettre du 14 mars 2008, l’employeur met fin à la période d’essai. Problème : comment a-t-il pu apprécier les qualités professionnelles du salarié alors que ce dernier avait terminé son service lors du passage de son supérieur hiérarchique la journée
du 11 mars ? Et qu’aucun contrôle n’avait été effectué pour la journée du 12
mars ?
Estimant abusive la rupture de sa période d’essai, le salarié saisit la juridiction prud’homale. Pour préparer sa
défense, il se procure des attestations établies par d’autres salariés et des extraits des registres de contrôle. L’employeur, de son côté, évoque des problèmes de « présentation » et de « comportement ». Il considère qu’il peut être mis fin à une période d’essai, même brève, pour ces motifs, sans
qu’il soit nécessaire d’apprécier les qualités techniques du salarié.
La décision
La cour d’appel, confirmée par la Cour de cassation, donne raison au salarié. Les juges constatent que la rupture du contrat est intervenue à l’issue du deuxième
jour de travail effectif, la première journée du contrat étant consacrée à la formation du salarié. Selon la cour d’appel, « deux jours de travail apparaissent comme une durée insuffisante pour permettre au salarié de faire
réellement les preuves de toutes ses capacités ; (…) en conséquence la décision
prise par l’employeur procède d’une très grande légèreté constitutive d’un abus de droit ».
Le salarié étant embauché, rappelons-le, en CDD, c’est donc la sanction
prévue par l’article L. 1243-4 du code du travail qui s’applique. Selon ce texte, « la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée qui intervient à l’initiative de l’employeur, en dehors des cas de faute grave, de force majeure ou d’inaptitude
constatée par le médecin du travail, ouvre droit pour le salarié à des dommages et intérêts d’un montant au moins égal aux rémunérations qu’il aurait perçues jusqu’au terme du contrat »
(Dommages et intérêts auxquels s’ajoute l’indemnité de fin de contrat prévue à l’article L. 1243-8 du Code du travail (également appelée indemnité de précarité d’emploi). Soit, dans notre affaire, 8 403,84 euros versés au salarié.
Autres exemples de ruptures abusives
-> Est constitutive d’un abus de droit la rupture
d’une période d’essai au bout d’une semaine alors que le salarié, âgé de 45 ans, était démissionnaire de son ancien poste, qu’il effectuait un stage d’adaptation aux techniques de la société, et
qu’il n’avait pas encore été mis en mesure d’exercer les fonctions qui lui avaient été attribuées (Cass. Soc. 5 mai 2004, n°
02-41224, Sté Loxam location) ;
-> de la même manière, constitue un abus de droit l’interruption d’une période d’essai après 4 jours alors
qu’elle devait durer 3 mois (Cass. Soc. 6 déc. 1995, n° 92-41398, Sté EBS) ;
-> il y a rupture abusive de la période d’essai lorsqu’elle est fondée sur des motifs économiques déguisés
(Cass. Soc. 20 nov. 2007,
n° 06-41212, Sté Cofiroute) ;
-> ou lorsque l’employeur détourne la période d’essai de son objet pour limiter l’emploi du salarié à la durée de l’essai (Cass. Soc. 5 oct. 1993, n° 90-43780,
Opac) ;
-> idem lorsque cette rupture est provoquée par l’envoi d’une lettre par le salarié posant des questions sur son contrat de travail (Cass. Soc. 7 janv. 1988, n°
85-41822, GIE-DAG).
à savoir :
Si l’employeur veut rompre le contrat parce qu’il estime que le salarié a commis une faute, alors il doit respecter la procédure de licenciement pour motif disciplinaire (Cass. soc. 10 mars 2004, n°
01-44750, Asso. Accueil et réinsertion sociale). Concrètement, cela signifie que le salarié doit être convoqué à un entretien préalable puis recevoir une lettre lui notifiant la sanction,
dans le respect des délais légaux.