Forfait-jours sans convention écrite : c’est du travail dissimulé !
Forfait-jours sans convention écrite : c’est du travail dissimulé !
La mise en place d’un système de forfait-jours nécessite la signature par le salarié d’une convention individuelle de forfait. À défaut, l’employeur peut être condamné pour travail dissimulé.
L’infraction de travail dissimulé – plus communément appelée « travail clandestin » – ne concerne pas seulement les salariés non déclarés aux organismes de protection sociale. En application de l’article L. 8221-5-2° du code du travail, tout employeur qui ne délivre pas de bulletin de paye ou qui mentionne intentionnellement sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli risque une condamnation pour travail dissimulé. Tel est le cas, selon un arrêt important de la Cour de cassation du 28 février dernier, lorsqu’un employeur impose à un salarié un système de forfait-jours sans conclure avec lui la convention individuelle imposée par le code du travail.
Le non-respect des règles applicables aux conventions de forfait
Cette affaire concernait un cadre responsable de production d’une société spécialisée dans la fabrication de brochures publicitaires pharmaceutiques. Licencié pour
insuffisance professionnelle alors qu’il effectuait quotidiennement de nombreuses heures supplémentaires non payées, il se tourne vers les prud’hommes pour obtenir réparation. Pour justifier
l’absence de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de salaire, l’employeur invoque une convention de forfait à laquelle aurait été soumis le salarié. Pour mémoire, il s’agit d’un
accord par lequel l’employeur et le salarié conviennent d’une rémunération forfaitaire incluant toutes les heures travaillées, c’est-à-dire y compris les heures supplémentaires. On parle de
« forfait-jours » lorsque ces conventions sont établies pour une durée du travail fixée en jours sur l’année.
L’employeur ne peut les mettre en place qu’à deux conditions (Articles L. 3121-38, L. 3121-39 et L. 3121-40 du code du travail) :
=> elles doivent être autorisées par un accord d’entreprise ou
d’établissement, ou, à défaut, par une convention collective de branche ;
=> chaque salarié concerné doit donner son accord via la signature
d’une convention individuelle de forfait.
La jurisprudence a rappelé à maintes reprises l’importance de ces conventions individuelles. Une simple clause dans le contrat de travail renvoyant à l’accord collectif ne peut
suffire ; elles doivent exister en tant que telles (Cass. soc. 31 janvier 2012,
n° 10-17593, Sté Datafirst). Or aucune convention de forfait n’avait été conclue dans notre affaire. Le salarié devait donc recevoir paiement de ses heures supplémentaires, lesquelles
devaient figurer sur son bulletin de salaire.
Condamnation de l’employeur pour travail dissimulé
Pour tenter d’échapper à une condamnation pour travail dissimulé, l’employeur faisait valoir qu’il ignorait le dépassement par le salarié de la durée légale du
travail, compte tenu de l’autonomie dont ce dernier disposait dans l’organisation de son temps de travail. L’employeur, toujours selon ses dires, n’avait donc pas la volonté de dissimuler ces
heures or la preuve d’un élément intentionnel est nécessaire pour caractériser l’infraction de travail dissimulé. Mais selon les juges, le seul fait d’avoir voulu soumettre le salarié au
forfait-jours sans lui faire signer de convention individuelle caractérise cet élément intentionnel. Ils appliquent donc la sanction prévue par l’article L. 8223-1 du code du travail : lors de la rupture de son
contrat de travail, le salarié victime d’une infraction de travail dissimulé a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire (soit 17 292 euros dans notre affaire).
À savoir :
=> L’indemnité forfaitaire à laquelle le salarié a droit en cas de
travail dissimulé se cumule avec l’indemnité de préavis et de congés payés. Elle se cumule aussi avec l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ou avec des dommages et intérêts
pour non-respect de la procédure. Mais elle ne se cumule pas avec l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement : seule la plus élevée des deux est due au salarié (Article L. 8224-1 du code du travail).
=> Le travail dissimulé est également passible de sanctions pénales pour l’employeur : trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende
(Cass. soc. 12 janvier
2006, Sté Sarrazyn, n° 03-46800). Mais attention, le juge pénal se montre plus exigeant quant à la preuve de l’élément intentionnel.
Cass. soc. 28 février 2012, n° 10-27839,
Sté MCS routage façonnage :
« La cour d’appel, qui a constaté que l’employeur avait appliqué au salarié le système du forfait en jours sans qu’ait été conclue une convention de forfait en jours et relevé que ce cadre
travaillait régulièrement plus de dix heures par jour, a fait ressortir le caractère intentionnel de l’absence de la mention, sur les bulletins de salaire, de toutes les heures accomplies au-delà
de la durée légale ».